Dr Massid
Soyons très attentif(ve)s au discours d’une belle-mère s’adressant à la future bru pour lui expliquer sa façon de se comporter, de voir et de faire vis-à-vis d’elle et de son fils. Un message qu’elle cache derrière un bouclier fait de comportements plus ou moins gênants. Et si la belle-fille voulait bien dépasser sa fierté et tenter de le décrypter bien de déboires seraient évités.
Ma chère fille
Avant même que ne tu viennes, je pensais à la future heureuse élue du cœur de mon enfant. Tantôt enthousiaste et emballée, tantôt frustrée et malheureuse, tiraillée entre le cœur et la raison. Ah si ces deux-là voulaient bien s’accorder le monde serait en paix.
Il n’est pas facile pour moi de renoncer à l’enfant que j’ai porté, allaité, bercé, veillé et élevé. Pendant de longues années nous avons partagé dans l’amour et la complicité plein d’émotions de joie, de colère, de peur, de tristesse, d’inquiétude, d’espoir…
J’ai assisté, tantôt tremblante, des fois tendue, tantôt confiante, ses premiers sourires, ses mouvements, assis, debout, couché, rampant, grimpant, marchant, courant, jouant, ainsi que toutes les tracasseries, bobos et tous les maux petits et grands.
Et au fil des années, j’ai accompagné son évolution du petit bout en construction, bébé apeuré, angoissé à l’enfant épanoui jusqu’au bel homme responsable et équilibré.
Enfin plus qu’une histoire, mieux qu’un conte, encore plus qu’un exploit, c’est lui et moi, il s’agit, de ses empreintes, des miennes indélébiles affirmant une existence riche, plaisante bien tissée et gravée dans mes tréfonds à jamais.
Aujourd’hui, il a fait son choix, j’en suis heureuse et profondément émue, mais mon égo s’en sent péniblement blessé, la douleur brouille ma conscience au point de te repousser. Il te tient pour responsable de l’estropier de sa plus précieuse partie. Et le comble, tu viens sans préavis me consigner une retraite forcée. Du coup, je deviens la 3gouza, reléguée dans le camp de la sénilité avec toute l’angoisse que ce terme génère sans pitié.
Oh l’horreur, adieu fierté, dignité et félicité !
Détrônée, bafouée, humiliée, la plaie béante, mets-toi à ma place, comment veux-tu que mon âme souffrant la douleur puisse te supporter.
Je t’ai accueillie le plus correctement que me le permettait une conscience timide et faible devant un égo blessé et révolté. Encore tiraillée par l’amour que je te porte et la reconnaissance pour le bonheur que mon fils vit à tes côtés, et la déception, le désespoir pour avoir perdu celui pour lequel j’existais.
Sache que ce n’est pas ta personne qui est visée, qui que ce soit à ta place aurait suscité ces ressentiments que j’éprouve pour ce qu’elle représente et non ce qu’elle est.
Je sais que je te fais des misères que je ne peux m’empêcher, je tente de te discréditer aux yeux de mon enfant dans des sursauts d’espoir de le récupérer, retrouver ma place importante à mes yeux que j’ai du mal à céder.
Tu penses que je déteste, je comprends, mais tu as tort car ce que je vis vraiment, tu n’en es pas la cause. Tu n’es en fait que l’instrument, une sorte de psyché par laquelle la vie me renvoie ma propre réalité.
Tu ne comprends pas et tes réactions ne font qu’attiser le feu qui dévore mon intérieur avec férocité.
Ne te laisse pas impressionnée par mes armes, elles sont bien faibles devant ta jeunesse, ta beauté et ton charme.
N’oublie pas que je suis une mère et pense à la tienne, pense aussi que tu le seras et pense à ce que tu ressentiras une fois arrivée à cette situation. On a beau raisonner et croire que l’on peut se mettre à l’abri de ce genre d’émotions, on a tort. L’inconscient machiavélique est toujours aux aguets pour faire de nos faiblesses l’outil de sa machination en nous dictant toute sorte de stratagèmes, fourberies et mauvaises résolutions.
J’espère que ce discours te dissuadera de te complaire dans la rivalité.
Les armes sont inégales et le sort du combat est d’emblée escompté. Que peut bien faire une 3gousa usée par tant d’années de labeur pleines de différentes émotions, face à la fraîche et dynamique jeune débordante d’enthousiasme et d’ambition.
Je ne suis ni ta rivale ni ton ennemie, je ne suis qu’une mère qui a du mal à accepter un destin pourtant à l’avance décidé et écrit. Dans mes rares moments de lucidité, je sens combien je t’aime et te chérit puisque c’est mon fils qui t’a choisie et chérie. Je culpabilise pour tout ce que je te fais endurer lorsque la folie prend le dessus sur la sagesse. Crois-moi je ne veux pour rien au monde gâcher le bonheur de mes enfants, lui et toi puisqu’en vous unissant, tu deviens mienne également. Je garde foi et sais que je passe par une crise faite de peur et d’obsessions. J’ai besoin du temps, de tendresse et de compréhension pour panser ma blessure, la cicatriser et retrouver la mère pleine d’amour et d’affection.
Je te demande d’être tolérante, patiente, aide-moi à sortir de mon délire et accompagne-moi dans ce chemin jonché d’épines pour enfin retrouver la raison, le calme et la paix.
Je te promets alors une coexistence dans l’amour, la joie et la complicité en attendant que tu me fasses un petit fils à dorloter pour revivre les meilleurs moments de mon passé dans le comble du bonheur et la sérénité.